D’abord reporté puis complétement disparu des écrans radars pendant de longs mois. Watch Dogs : Legion, nouvel open-world d’Ubisoft a fini par trouvé le chemin de nos rayons. Mais que vaut ce AAA au leitmotiv simple : devenez n’importe qui pour faire n’importe quoi.
Jouez qui vous voulez
Et nous commencerons par ce point, la fonctionnalité sur laquelle repose tout le jeu (et qui constitue certainement son seul point fort) réside en le fait qu’il est possible de recruter n’importe quel PNJ en vue de l’ajouter à votre clan et ainsi pouvoir en prendre le contrôle en jouissant des capacités qui lui sont propres. Il faut savoir que le jeu embarque un générateur de PNJ très poussé qui attribue à chaque personnage un nom, une biographie, des compétences spéciales et même un emploi du temps. Tout cela composé de façon aléatoire. C’est un travail titanesque qui a été réalisé sur ce système et il m’impressionne sincèrement. Pour recruter un personnage, la marche à suivre est toujours la même, vous voyez quelqu’un disposant de caractéristiques qui vous plaisent, vous allez lui parler, vous remplissez un ou plusieurs objectifs afin de la convaincre de rejoindre la cause puis le voilà dans votre équipe. L’idée est bonne et les missions à réaliser dans le cadre d’un recrutement sont diverses mais il faut bien avouer que la démarche est lourde et redondante. Lorsque le set de compétence mis à disposition par vos personnage vous conviendra, il y a peu de chance que vous continuiez à recruter pour le plaisir.

Chaque PNJ a un emploi du temps comme celui-ci
Pouvoir jouer n’importe qui, c’est intéressant. Que chaque capacité soit lié à un personnage, vous forçant donc à recruter les bonnes personnes (bien que ces capacités soient souvent les mêmes) et à alterner entre les personnages en fonction de vos besoins, c’est bien. Mais l’absence totale de personnage principal est, à mon sens, un gros soucis. En effet pour la première fois depuis le début de la saga, le jeu ne repose pas sur la quête d’un protagoniste mais bien sur l’action collective de vos personnages anonymes guidés par une IA loufoque. Je ne peux m’empêcher de voir en cela l’ultime déconstruction du jeu vidéo amorcé par Ubisoft il y a bien des années. Scénarios de moins en moins poussés, généralisation des « bac à sable » en monde ouvert, accents mis sur la coopération et sur la construction du fun via l’interaction sociale des joueur plus que par le carcan du jeu en lui-même. Avec Watch Dogs : Legion, Ubisoft est arrivé au bout du chemin en retirant totalement la notion de personnage principal (déjà bien amochée par les derniers Far Cry). Cette dilution de la fonction sujet est dommageable car elle réduit considérablement l’investissement du joueur dans l’expérience. Il est facile de s’identifier à un personnage profond et bien écrit, quel qu’il soit. Il est déjà plus compliqué de s’identifier à une coquille vide même si elle est entièrement customisable (Far Cry 5) mais il est totalement impossible de s’attacher et de s’impliquer dans l’histoire lorsqu’on alterne les points de vues de plusieurs coquilles vides.
Dernier point au sujet des personnages jouables : le switch entre eux. Très grosse frustration sur ce sujet, qui rejoindra d’ailleurs un point évoqué plus bas, puisque le switch n’a rien de fluide. En effet pour chaque changement de personnage vous devez vous rendre dans les menus, choisir la personne à incarner et attendre qu’un chargement (+/- 30secs) se termine avant de pouvoir poursuivre. Ce cheminement casse complétement le rythme de la scène que vous jouez. Pourquoi n’y a t’il pas de changement de perso dynamique comme le faisait GTA5 il y a…. sept ans, sur PS3. Permettre au joueur de switcher rapidement aurait ouvert la voie à un level design global bien plus étudié, challengeant et intéressant.
Gameplay, missions et ambiances
Watch Dogs premier du nom était très sérieux et traitait de sujets parfois très dures. Le second volet se voulait plus léger, plus décontracté (que nous testions ici même) en vous faisant incarner un jeune cool de la côte Ouest. Watch Dogs : Legion est littéralement entre les deux. En effet il récupère la trame centrée sur la traite d’êtres humains de l’opus originel et la légèreté du second ce qui donne un résultat très étrange alternant entre scènes très dures et dérision.
L’ambiance est donc particulière mais ce n’est pas un défaut en soit. Par contre la redondance des missions est bien plus problématique. C’est simple, à de très rares exceptions près, l’on peut résumer l’intégralité des missions à : Rejoindre le point de briefing -> entrer dans une zone dangereuse pour y pirater quelque chose -> quitter la zone. A l’usage c’est très rébarbatif et peu challengeant, particulièrement si vous utilisez un personnage pouvant faire apparaitre n’importe quand un drone de chantier vous permettant de vous déplacer en volant. Dès lors, vous pourrez atteindre vos objectifs en zappant la plupart des gunfights. Clairement la scénarisation et la construction de cet open world sont dépassés de plusieurs années (et le jeu devrait très mal tenir la comparaison face à Cyberpunk 2077 qui arrive à grands pas)

Rejoindre une zone dangereuse -> tuer les gardes -> télécharger -> fuir ->recommencer

Heureusement quelques rares missions viennent apporter un peu de fraicheur
Vous aurez toutefois l’occasion de glaner des points d’XP qui viendront améliorer les compétences communes à tous vos personnages. Les possibilités offertes en terme de hack sont plutôt nombreuses et l’utilisation / le détournement des drones saura donner du piquant à vos phases d’infiltration ou de combat.

Au passage puisqu’on parle gameplay, un choix de l’équipe d’Ubi m’a interloqué : aucune surface de verre n’est destructible. C’est très étrange de tirer dans du verre et de voir le projectile traverser et atteindre sa cible sans démolir la surface. J’imagine qu’il s’agit là d’une manière de mieux contraindre le level design afin d’empêcher le joueur de passer par d’autres chemins que celui prévu par les designers. Quoiqu’il en soit, ce choix parait bizarre in-game surtout lorsqu’il donne lieu à des aberrations telles que le bus ci-dessous, fraichement explosé mais dont toutes les vitres sont encore intactes.

Dans le futur le verre n’éclate pas, il noirci (tout comme les pneus d’ailleurs)
Enfin sachez que le jeu embarque tout un système de customisation qui vous permettra de personnaliser vos armes, vos véhicules, et bien entendu votre personnage. Il y a d’ores et déjà énormément d’items disponibles à l’achat, que ce soit dans les magasins présents dans Londres ou dans la boutique du jeu. On sent bien la volonté de faire tenir Watch Dogs : Legion comme un game as a service régulièrement enrichi de nouveaux items mais en toute franchise, j’ai du mal à voir l’intérêt de cette customisation. Pourquoi dépenser si cher dans un jeu aux ouvertures multijoueur limitées?
Un monde ouvert datés
Un autre problème de Watch Dogs : Legion réside en l’intérêt de son monde ouvert. Si les rues de Londres sont sympas à parcourir (et encore car les sensations de conduites sont quasiment inexistantes), l’on s’aperçoit très vite qu’il n’y a pas grand chose à y faire. Alors oui vous pourrez libérer quelques avant-postes pour délivrer les différents quartiers de la ville (comme dans tous les jeux Ubi depuis Assassin’s Creed Brotherhood) mais l’intérêt est limité. Évidemment des collectibles viennent rallonger la durer de vie en vous faisant crapahuter dans des endroits improbables pour dégoter de la doc qui viendra approfondir l’univers du jeu mais là encore, rien de bien transcendant ou original. Et il faut bien le dire, le jeu libre n’a rien d’excitant, votre arsenal étant très limité, vos envies de chaos seront vites refroidies. C’est dommage pour un jeu qui se veut axé fun, clairement, en terme d’amusement préférez le remastered de Saint’s Row 3, vous vous y amusez bien plus.
Au sujet du son
Le son est capital pour l’immersion c’est un fait. Et il faut saluer le choix d’Ubi d’entièrement doubler et localiser son jeu (à l’inverse des GTA par exemple). D’autant plus que les dialogues sont enregistrés par plusieurs acteurs, la composition de votre équipe étant totalement entre vos mains. Je n’imagine pas le nombre de répliques enregistrées pour que cette feature fonctionne. Seul bémol sur ce point, les musiques diffusées via l’autoradio sont peu nombreuses et beaucoup sont dans le domaine publique.
Techniquement à la ramasse
L’on termine avec quelques considérations techniques qui, hélas, desservent le jeu: Watch Dogs : Legion est très instable, visuellement daté (sur PS4) et bardé de chargements. Au sujet de son instabilité pour débuter, je n’ai pas fais une seule session de jeu sans bug. Il s’agit principalement d’apparition ou de disparition d’éléments, de bug d’anim, de téléportation ou encore de blocage par des objets invisibles mais j’ai aussi rencontré beaucoup de crashs, au moins 5 sur une PlayStation 4 Pro sur 30 heures de jeu. A chaque fois le jeu plantait, me faisant revenir au menu de la console avec un message d’erreur.

Oui c’est bien de l’eau
Deuxième point, l’aspect visuel du titre qui n’est clairement pas en phase avec les standards actuels. Outres les apparitions/ disparitions d’objets lointains que je ne pensais plus voir en 2020, Legion ne peut clairement pas être qualifié de beau. Tout y est daté, les enchainements d’animations, la modélisation des dégâts sur les véhicules, les effets de liquide. Visuellement le remake de Mafia 1 lui est bien supérieur, ce qui est dommage car les deux jeux n’ont clairement pas dû avoir les mêmes coûts de production.

Et enfin, les temps de chargement, très nombreux et très longs. A chaque changement de personnage, à chaque nouvelle zone, à chaque crash, un nouveau temps de chargement à savourer. Et ils durent.
Tous ces points seront à ré-évalués après avoir testé la version PS5 du titre car il est fort probable qu’Ubisoft ait dirigé tous ses efforts sur la version New Gen de son jeu. Je mettrais donc à jour ce test en conséquence d’ici quelques semaines.
